Favelas |
Intégration Urbaine à Rio de Janeiro |
(Italiâno) Interwiew: "Rio de Janeiro, la Citta' Divisa"
Pendant
les années 60 et 70, la politique d'urbanisme de la ville de Rio de
Janeiro consistait à raser lês favelas et à reloger leurs habitants
dans de grands ensembles situés à la périphérie de la ville. Lês effects
souvent dévastateurs de cette solution - déracinement, criminalité -
ont conduit les nouveaux édiles à modifier radicalement leur approche.
C'est ainsi que depuis 1994, la ville de Rio poursuit une politique
originale d'intégration urbaine de ses favelas. Ce programme, appelé
"Favela-Bairro", vise à supprimer l'image d'une ville scindée entre
asphalte et colline, entre formel et informel au travers de la requalification
de l'espace du domaine public. Il a pour objet la création de pôles
de centralité susceptibles d'étendre l'effet urbain jusqu'aux zones
périphériques en intégrant les favelas aux quartiers limitrophes. Une
iniciative qui place Rio à l'avant garde sur le Continent Sudaméricain
et qui a valu à l'un de ses maîtres d'oeuvre, l'architecte-urbaniste
d'origine argentine Jorge Mario Jáuregui, lê Grand Prix de la IV Biennale
Internationale d'Architecture de São Paulo.
A Rio, la population des favelas comprend plus de 1.500.000 habitants,
soi tiers partie des habitants recensés. Le progamme "Favela-Bairro",
qui s'applique à des bidonvilles de taille moyenne, concerne 60% d'entre
eux.
Le travail d'urbanisation sur des terrains aussi dfficiles implique
avant tout de penser l'urbanisme et l'architecture dans leur fonction
de service social susceptible d'apporter une meilleure qualité de vie
aux classes les plus défavorisées.
La création d'espaces publics a été au coeur de la démarche des architectes.
L'équipe de Jorge Mario Jáuregui a choisi de renforcer les germes de
centralité existants afin d'y implanter tous les services d'un quartier
classique et des centres communautaires comprenant aires de loisirs,
agences de l'emploi, garderies d'enfants, services sociaux et même parfois
des locaux destinés aux femmes pour y faire de la cuisine ou d'y laver
le linge. Il a fallu créer des infrastructures, un minimum de voies
d'accès pour les voitures ainsi que des chemins piétons. Quant aux constructions
"privées ", on les a pour la plupart laissées intactes, sauf lorsqu'elles
étaient insalubres, bâties sur des terrains instables ou encore situées
sur le tracé des voies d'accès. Les habitants de ces derniéres ont été
relogés dans de nouvelles maisons construites au sein même de la favela,
de façon à ce qu'ils ne se sentent pas déracinés.
L'objetif consiste à introduire une graine d'urbanité susceptible d'influer
de manière positive sur le tissu physique et social, explique Jorge
Mario Jáuregui. Il s'agit aussi de rechercher les éléments d'identification,
de différenciation et d'y adjoindre des constructions très éloignées
d'une architecture standardisée. En ce sens, la créativité et l'élaboration
esthétique vont de pair, car l'esthétique est la discipline qui donne
un sens aux choses sans se référer au seul aspect formel. Mais, avant
toute intervention, il est nécessaire de bien poser le problème et,
pour cela, la participation de l'ensemble des habitants, consultés en
assemblée publique, est fondamentale".
Accolées à la mer ou juchées sur une colline, chacune des favelas présente
des problèmes spécifiques qui réclament des solutions appropriées. Dans
tous les cas, il s'agit d'effacer l'opposition avec la ville traditionelle
en créant de véritables quartiers où les rues portent un nom et des
numéros, des voies d'accés et des passages piétons - le plus difficile
à déterminer au cours de la concertation avec la population selon Jáuregui
- menant aux centres vitaux de la favela.
Ainsi, les voies piétonnes sont traitées comme de véritables promenades
pavées qui traversent la favela et relient celle-ci à la ville formelle.
Dans le même temps, des infrastructures telles que le tout à l'égout,
les arrivées d'eau et d'électricité, un service de collecte des ordures
ménagères et des terrains de football ont été créés ou réaménagés.
" Donner le droit à la ville aux plus défavorisés est une importante
fonction sociale de l'urbanisme et de l'architecture, poursuit Jáuregui.
L'offre de nouvelles conditions urbaines est, pour les habitants, synonyme
de leur appartenance à la ville formelle. Dés lors, une favela peut
s'intégrer à un processus d'évolution identique à celui de tout autre
quartier ".
Ainsi rénovées, les favelas ne sont plus les ghettos que l'on avait
jusqu'ici tendance à ignorer, sinon à éradiquer. Certes, leurs habitants
se doivent de payer leur électricité, l'eau courante et les taxes foncières.
Mais les favelas constituent une solution pour les classes les plus
pauvres de la population prises dans un dilemme qui paraissait jusqu'
alors insoluble : subir des coûts de logement et de transport élevés
liés à une installation dans de lointaines banlieues, ou se résigner
à vivre dans des conditions précaires, compte tenu du bas niveau de
salaires ou d'un manque de travail à plein temps. On a déjà noté une
baisse sensible des taux de criminalité et du trafic de drogue dans
les favelas traitées.
Le programme " Favela-Bairro " a été complété par d'autres programmes
similaires portant sur des favelas de taille plus importante. Financés
par la ville de Rio, mais aussi par la Banque Interaméricaine de Développement
ainsi que par l'Union Européenne, ces expériences-pilote font la preuve
qu'un urbanisme simple mais bien pensé, peut avoir un impact des plus
positifs sur les conditions de vie des populations les plus déshéritées.
Favela de Fubá Campinho
Le parti urbanistique résidait en la création d'un grand espace publique
intégrateur où se structurent et se mêlent différentes ambiances : grande
place, aire de jeux, espace pour personnes âgées, terrain de football
avec tribune, crèche, point de collecte des ordures ménagères, siège
du local d'orientation urbanistique et sociale, unités de relogement...
Accessibles par la création de voies de circulation, ces aménagements
forment un " noyau " qui renforce et redéfinit la centralité préalablement
existante.
Favela de Salgueiro
Il s'agissait de renforcer une centralité déjà déterminée par un terrain
de football et un gymnase adjacent situés au coeur même de la zone d'intervention.
Le programme se proposait de reformuler ce centre à partir d'un nouveau
tracé incluant des belvédères, un lavoir communautaire, la réaffectation
des espaces résiduels et la création d'unités de relogement dans un
ensemble paysagé. La principale voie piétonne, les escaliers de la Rua
Olimpia, a été traitée comme une promenade aménagée de points de rencontre
facilitant la covivialité.
Favela de Vidigal
L'unique voie d'accès, qui traverse la favela du pied de la colline
jusq'à sonsommet constitue l'épine dorsale sur laquelle viennent se
greffer toute une série d' événements . Autour de la Vila Olímpica,
composée d'un terrain de football, d'un gymnase et de leurs dépendances,
on a rajouté une crèche, des commerces et un centre professionel. Près
de la place principale, on a aménagé les services classiques d'une ville
ainsi que le siège de l'association des habitants, créé un parc écologique,
construit un petit centre commercial et remodelé le théâtre Nós do Morro,
(Nous, ceux de la Colline).L'extrémité de la voie principale conduit
à un belvédère qui sera bientôt pourvu d'un téléférique.
Crèche
de la favela de Fubá
Depuis
1994, l'équipe de Jorge Mario Jáuregui a travaillé sur une quinzaine de
favelas de taille différente, allant de 850 à 12.000 familles. Des travaux
qui ont été récompensés par le Sixth Veronica Rudge Green Prize in Urban
Design de la Harvard University Graduate School of Design, GSD.
André
Maisonneuve
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